Récession Redistribution des cartes

Par temps de crise et à l'ère du développement durable, le don alimentaire et la revente des produits de la veille doivent être considérés sous un jour nouveau.

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Les actions de lutte contre le gaspillage et la précarité alimentaires promues par les programmes nationaux actuels montrent qu'il y a urgence à agir sur le front de la solidarité alimentaire. Cantines, restaurants, producteurs, transformateurs, grande distribution… les acteurs sont appelés à participer à ce vaste défi social et environnemental. Les marchés d'intérêts nationaux, les supermarchés et les commerces sont en particulier invités à faire don de leurs invendus. Mais c'est bien plus facile à dire qu'à faire… Comment identifier les personnes qui sont réellement dans le besoin ? Et si on donne ou on brade les invendus, la clientèle ne finit-elle pas par se détourner de l'offre ?

La présentation d'entremets surgelés et conservés à -18°Cen vitrine ventilée est une alternative commercialement intéressante.

Deuxième vie Voilà pourquoi de plus en plus d'artisans font le choix d'écouler en toute discrétion leurs invendus auprès d'associations caritatives. C'est le cas de Clarisse et Emmanuel Fortin, gérants d'une boulangerie-pâtisserie réputée au Mans (72). « La vente de pains présente des aléas très importants, sans qu'on sache vraiment pourquoi, si bien qu'il est impossible d'ajuster le volume de production. Beaucoup de boulangers les repassent le lendemain à la première heure en les rafraîchissant quelques secondes au four, avec un petit coup de buée. Cela peut aussi nous arriver, soyons honnêtes, sur les produits qui ont été cuits la veille au soir (nous fermons à 20 heures) et qui sont encore très corrects au petit matin », avoue Clarisse. Notez qu'il n'y a rien d'illégal (ni de honteux) à réchauffer et à remettre en vente du pain et des pâtisseries sans risque pour la santé (voir encadré ci-contre), à condition qu'ils n'aient pas été surgelés entre temps (sinon il faut en informer le client). À vous de faire en sorte que la fraîcheur – et le goût ! - soient quand même au rendez-vous.

Deuxième chance Pour le pain qui n'est plus vendable, c'est l'association de réinsertion Pain contre la faim (voir le détail en p. 12) qui passe le récupérer en fin de semaine (elle le transforme en chapelure et la revend à des fabricants d'aliments pour bétail). Et si vraiment elle a trop de produits sur les bras, Clarisse fait signe à une communauté religieuse située à proximité. José Louiset, à la tête de deux boulangeries à Quimper (29), avait pris l'habitude de jeter, mais depuis peu, il préfère donner : « C'est en voyant des personnes fouiller nos poubelles qu'on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose, au moins pour améliorer le service ! Alors, on a mis les produits dans des petits sachets que l'on a placés sur un petit muret à proximité. Depuis, les gens ont pris rendez-vous et attendent sagement dehors à la fermeture. Il s'agit surtout d'individus « courts » financièrement, mais peu de SDF au final. Il peut y avoir jusqu'à une vingtaine de personnes. Ils cherchent surtout de quoi améliorer l'ordinaire : sandwichs, viennoiseries, pâtisseries… »

Les produits de la veille disposés par lot évitent la concurrence directeavec la vente du frais et peuvent mêmegénérer de la vente additionnelle !

Pas d'autre choix Même si la revente de produits de la veille rencontre un vif succès en zones populaires, le don reste pour José la meilleure solution. « Quand on revend des produits de la veille, les clients les prennent en priorité sur le frais. Donc on ne s'y retrouve pas. Recycler, en faisant du pudding avec le pain par exemple, est trop coûteux en main d'oeuvre pour la faible marge qu'on récupère ensuite. Je pourrais aussi faire mes sandwichs à la demande. Mais il faut mettre une personne sur le poste et ça bouchonne alors en magasin ! Dans mon cas, donner n'affecte pas les ventes car les personnes précaires ne viendraient de toute façon pas. Le plus étonnant, c'est que ce petit geste a eu un grand retentissement médiatique. Avec la crise, les gens sont aujourd'hui sensibles aux gestes de solidarité. On m'envoie plein de messages de soutien, c'est sympa. Promouvoir le côté humain de l'artisanat est toujours bon à prendre pour soigner son image ! », reconnaît-il. Le don alimentaire est non seulement un moyen de lutter contre le gaspillage et la précarité, mais c'est aussi un moyen d'agir contre la surproduction et la pollution. C'est surtout un levier pour engager son entreprise vers plus de responsabilité. Et cela a du sens aujourd'hui.

 

Don et revente de produits de la veille : ce qu'il faut savoir

par Armand Tandeau (publié le 24 février 2014)

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